Punakha et sa vallée

Punakha et sa vallée

Temple de Chime ou Temple de la Fertilité

Au bas du Dochula, la vue finit par se dégager sur quelques kilomètres. Les rizières envahissent tout l’espace disponible. J’entre manifestement dans un Bhoutan bien plus rural et traditionnel. A Lobesa, il faut même laisser la voiture pour poursuivre à pied vers le monastère de Chime en empruntant des sentes au milieu des champs. Dans les villages, les maisons sont ornés de phallus géants sensés porter chance et rappelant la grivoiserie du « fou divin » que l’on a déjà évoqué. Pas de doute : on est au bon endroit !

Lobesa et vue sur le temple de Chime

Pour expliquer la présence du site religieux, il existe plusieurs légendes. Un jour, alors qu’il était au Tibet, le « fou divin » encocha une flèche, banda son arc et la décocha. Le projectile retomba dans la maison d’une femme habitant à Lobesa. Celle-ci devint la femme du « fou divin ». Il construisit alors un chorten à proximité. Une autre légende indique la présence d’une démone qui terrorisait les habitants qui cherchaient à franchir le Dochula. Le fou divin est venu la déloger et elle est alors descendue dans la vallée où elle s’est transformée en chien pour ne pas être reconnue. Mais le sage l’a démasquée et l’a tuée. « Chime » signifie « pas de chien ».

Le lien avec la fertilité n’est pas clairement établi. Mais aujourd’hui, de nombreux couples viennent sur place soit pour avoir un enfant si ils n’en ont pas déjà, soit pour que les leur soient protégés dans le cas inverse. La notoriété de l’endroit attire même des japonais et des américains qui souhaitent procréer.

La coutume veut que les femmes infertiles passent une nuit sur place sans leur mari ou alors accomplissent deux circumambulations autour du site. Pendant la nuit, le Dieu de la Fertilité viendrait leur rendre visite…

Ces croyances s’accompagnent d’un rituel : dans la paume de la main, un moine vous verse de l’eau sacrée. Il faut en boire une partie et s’asperger le dessus de la tête avec ce qu’il reste. Ensuite, le religieux pose sur votre tête soit un phallus en bois, soit un arc et des flèches (symboles associés au « fou divin ») alors que vous devez mettre votre main devant la bouche pour ne pas les « polluer » avec votre haleine. Une offrande est ensuite remise. Egalement contre de la monnaie, il est possible de prendre des dés, de les poser sur votre front, de faire un vœu pour les autres (mais pas pour vous, l’égoïsme étant proscrit) avant de les lancer. En fonction du nombre obtenu (impair de préférence sinon le moine vous invitera à relancer les dés…), le moine peut vous indiquer votre divinité protectrice au Bhoutan. Enfin, les couples en attente d’enfants viennent aussi ici pour déterminer le prénom de leur progéniture. Ceux qui sont de meilleurs augures sont Chimi pour les filles, Dorje pour les garçons et Kinley pour les deux sexes.

Après avoir mis en mouvement un paquet de moulins à prières, nous entrons dans le temple pour le début de la prière. De jeunes moines psalmodient en cœur de multiples refrains et des mantras.

La prière

Je retourne ensuite vers le haut du village par les sentiers, des mottes de terre séparant deux champs. De nombreuses bottes de foin sont érigées un peu partout. Deux parties de bourg avec les maisons traditionnelles bhoutanaises à 3 étages : le rez-de-chaussée pour le bétail, l’étage pour l’habitation profitant ainsi de la chaleur dégagée par les animaux et au grenier le stockage du fourrage et des céréales. Les toilettes sont à l’extérieur. Depuis que le pays se modernise et s’ouvre un peu à l’extérieur, le bétail n’est plus vraiment autorisé à l’intérieur.

Dans les champs, la vie s’active : hommes et femmes charrient de lourd ballots de foin qu’ils utilisent pour édifier de nouvelles bottes. De ci de là, des drapeaux à prière flottent et claquent au vent. Le lendemain, quand je reviendrai seul en fin de journée, je surprendrai aussi les écoliers rentrant en chantant de l’école ou les enfants jouant dans les rues du patelin, le retour d’un « tracteur » aussi.

Punakha Dzong

A une centaine de mètres en amont de la confluence de deux rivières, une mâle (Pho chu) et une femelle (Mo chu), se trouve un vaste bâtiment de 100m sur 70 : le dzong de Punakha. Un pont en bois y donne accès. L’histoire raconte que le fameux « fou divin » vint ici et y construisit un dzong suite à une vision. Il y déposa la relique la plus sacrée du Tibet qu’il avait emportée avec lui. Il s’agissait de la statue d’une divinité majeure apparue, lors de son bûcher funéraire, dans une vertèbre du fondateur d’un des deux courants bouddhistes du Bhoutan. Les Tibétains vinrent donc pour la récupérer avec une armée mais le « fou divin » rusa et fit semblant de jeter dans la rivière cet objet sacré (il avait remplacé par la vertèbre d’un autre être vivant). Suite à cet acte, les Tibétains n’avaient plus de raison d’envahir le dzong et repartirent tandis que la relique était sauve.

L’intérieur se compose de 3 cours successives qui communiquent par des galeries couvertes. La première est réservée à l’administration et comporte un grand chorten. La seconde, la plus secrète et la plus étroite, contient une tour dans laquelle se trouve la momie de l’unificateur du pays. Une fois l’an, pour le Tshechu de Punakha (importante fête religieuse), elle est présentée au peuple. Enfin la dernière cour rassemble une cour de justice ainsi que la plupart des 21 temples du monastère-forteresse dont la salle d’assemblée des moines. Cette dernière est réputée pour sa douzaine de fresques relatant la vie de Bouddha ainsi que celles narrant les hauts faits de Guru Rimpoché. Enfin, comme dans tous lieux de prière, on retrouve les trois fresques incontournables dans le pays : les 4 amis, la Roue de la Vie et un mandala parfois traditionnel parfois bien plus moderne et stylisé.

Khamsum Yuelley Namgyel Chorten

En suivant la rivière vers l’amont du dzong, on finit par aboutir après quelques kilomètres à un petit élargissement de la vallée. De nombreuses rizières descendent sur les flancs des montagnes, les maisons sont on ne peut plus traditionnelles, un pont himalayen franchi la rivière et permet d’accéder à un chorten de 3 étages au sommet d’une colline après une demi-heure de marche dans les champs et à travers la forêt.

Pour le construire, des prisonniers, trafiquants d’or, ont été mis à contribution pendant 9 ans pour y monter les matériaux de construction. L’achèvement est très récent, à peine une poignée d’années. A l’intérieur, les statues figurent les gardiens du pays ou ceux de la vallée, des « divinités » au visage effrayant. Il y a aussi un objet très précieux : une dague qui serait formée à partir de fragment de météorites. Dans les croyances du pays, un tel matériau résulte de la fusion de l’éclair et du tonnerre. Tout en haut de l’édifice, une terrasse offre une magnifique vue sur la vallée alentour.

En dehors du temple se trouvent plusieurs alignements de stupas, les habitations des moines qui sont relevés de temps à autres, une statue de Bouddha en méditation sous un arbre sacré et deux immenses moulins à prières.

En redescendant, on recroise un vieux monsieur au visage parcheminé qui vend des goyaves aux rares pèlerins.

Vieil homme

Colline d’Omolatsekha et nonnerie de Sangchhen Dorji Lhuendrup

Entre le temple de la Fertilité de Chime et le dzong de Punakha, la route passe au pied d’une grande colline magnifiquement recouverte de rizières en terrasses et au sommet de laquelle a notamment été érigée une nonnerie. Il s’agit de la plus grande du pays avec 115 nonnes. Il en existe 7 autres au Bhoutan. Ici, la mère supérieure a appris l’anglais et le maîtrise, elle dispense donc des cours à ses coreligieuses. Un bel esprit !

Le site se compose des habitats des nonnes, d’une salle de conférences, d’un temple abritant le Bouddha de la Compassion et d’un immense chorten qui surplombe la très belle vallée. Le tout est entouré d’une enceinte derrière laquelle les religieuses sont au travail durant mon passage.

Je redescends à pied la colline, seul, profitant du cadre champêtre. La vue est vraiment si belle ! Aux arbres sont accrochés des drapeaux à prières multicolores qui flottent au vent. D’autres, tout blanc, sont accrochés à des mâts plantés au sol. L’habitat est rural avec des étables, des maisons traditionnelles. Des canaux d’irrigation longent parfois la chaussée…

Laisser un commentaire